Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/119

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le jour, il ne s’éveillait que pour manger et boire ou se jeter comme un boule-dogue sur ceux dont il s’imaginait, souvent à tort, avoir reçu quelque affront ; Jean, le puîné, petit homme maigre, brun et réfléchi, était la tête de la maison.

Assez animée lorsque les trois frères la remplissaient du bruit de leurs grosses voix et de leurs rustiques chansons, la ferme devenait triste comme un couvent, lorsque Louise leur sœur y restait seule. De temps en temps alors, le passant en entendait sortir une voix dolente chantant quelque mélancolique refrain. L’âme se masque pour la parole, elle s’oublie dans la chanson ; — la voix était celle de Louise et la voix ne mentait pas : Louise souffrait.

À seize ans elle eût pu réaliser l’idéal de Christus. En ce temps, la ronde élégance de ses formes, son abondante chevelure brune, son beau sourire, ses yeux noirs et veloutés faisaient d’elle une des plus jolies filles qui aient jamais, aux jours de kermesse, battu de leurs pieds joyeux les planchers peu cirés des salles de danse de Forest, d’Uccle et de Boendael.

Avec de telles qualités, Louise semblait n’avoir qu’à se montrer pour trouver un mari : cent épouseurs se présentèrent en effet, mais Louise était difficile, elle trouva les uns trop gros, les autres trop maigres ; elle traita de