Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/161

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est belle ? Voyez ces cheveux blonds, ce front toujours pensif, cette bouche toujours sérieuse, ces grands yeux rêveurs et voilés. De cette lyre qu’elle tient à la main, toutes les cordes sont brisées, sauf deux, celles du regret et du vague espoir qu’elle sait devoir être fatalement déçu. Elle n’est pas de ce monde, car elle croit trop à l’autre. »

Jérôme continua : « Tu viens à ton heure, dit-il à l’être invisible ; le soleil s’est couché, la première étoile a paru, les filles reviennent des champs en disant les refrains que tu aimes, tristes et doux. Ah ! tu chantes aussi. » Il écouta pendant quelques instants, puis des larmes silencieuses coulèrent de ses yeux ; il murmurait : Je vois mettre en croix le premier martyr de l’amour ; je vois la mort qui plane sur le monde et qui fauche. La douleur est partout. Les bons se plaignent, car les méchants ont mis le pied sur leur poitrine. » Ses larmes coulaient toujours. « Où sont, poursuivit-il, les mondes meilleurs, où sont les rêves dont on a bercé notre enfance ? où sont les anges dont me parlait ma mère ? Tout est mensonge et déception. Mes beaux amours des temps passés se sont enfuis. Pauvre vieux ! je m’en irai bientôt au cimetière. »

Puis tout à coup, car les idées d’art l’occupaient sans cesse. « Pleure, dit-il, au fantôme, pleure : quand une de