Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/206

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sortir de la maison, et se vêtit du deuil le plus sombre qui se pût voir. Mais le vrai deuil était celui qu’il portait dans son cœur. Et il fut mort certainement s’il n’eut pas eu, près de lui, pour les aimer et protéger, Zuleika sa jeune femme, qui au baptême fut appelée Johanna, et Roosje sa jeune sœur.

Zuleika apprit en devenant chrétienne qu’il faut s’appliquer à être bonne femme et à garder l’honneur et le bonheur de son mari, mais elle n’était pas heureuse, car elle ne pouvait oublier le pauvre Mahom qu’elle croyait avoir été tué à cause d’elle et pendant de longues nuits et de longs jours, elle y pensait avec douleur et remords.

Ser Huygs non plus, n’était point tranquille, car le sang versé demande du sang et appelle la vengeance de Dieu.

Roosje, au contraire, qui était la colombe de la maison, dormait très-bien, riait souvent, faisait de doux rêves. Alors sa mère venait à elle, la bénissait, la couronnait de fleurs et souvent l’emmenait se promener en sa compagnie, dans d’immenses jardins, où tous les objets avaient bien forme et couleur, mais n’avaient point de corps. Si bien qu’il semblait à Roosje marcher sur des nuages et toucher des vapeurs. Là en cheminant, sa mère lui disait ce qu’il fallait faire pour donner joie et bonheur à Ser Huygs et à Johanna.