Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fait entre elles et par nature, une façon de pacte par lequel elles s’engagent à se protéger l’une l’autre envers et contre tous les hommes, et surtout à céler à ceux-ci tout ce qu’il faut et même tout ce qu’il ne faut point et cela par un amour naturel des faux-fuyans, des ruses, des petites menées obscures et aussi par la peur qu’elles ont de voir, là où il ne faut que la délicatesse féminine, de fins sentiments, de tendres soins et quelque peu de malice, survenir tout soudain l’homme tranchant, grossier, lourdaud ; et chevauchant à travers tout comme une troupe de soudards dans un champ de trèfles.

Ser Huygs repartit qu’elle ne lui avait nullement dit pourquoi elle était songeuse.

Elle sourit de nouveau.

— Je suis songeuse, dit-elle, parce que je suis songeuse, que c’est dimanche le jour de paresse, que je n’ai rien à faire, que les doigts me démangent, que mon esprit se promène et que je voudrais bien savoir quand ces trois bons hommes sculptés ici en face dans la pierre, auront fini de tailler avec leurs grandes doloires ces pauvres douves qui seront mangées par la pluie avant de pouvoir servir au tonneau.

Et ce disant, elle regarda Ser Huygs d’un œil rieur et l’invita ainsi à sourire : ce qu’il fit sans plus attendre.