Page:De Coster - La Légende d’Ulenspiegel, 1869.djvu/399

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Le châtelain leur donna à chacun deux carolus & un habit neuf pour leurs loyaux services.

Il écrivit enſuite au conſeil de Flandre, au tribunal des échevins de Courtray & à d’autres cours de juſtice pour leur annoncer que les vrais meurtriers avaient été découverts.

Et il leur détailla l’aventure tout au long.

Ce dont frémirent ceux du conſeil de Flandre & des autres cours de juſtice.

Et le châtelain fut grandement loué de sa perſpicacité.

Et Ulenſpiegel & Lamme cheminaient paiſiblement sur la route de Peteghem à Gand, le long de la Lys, déſirant arriver à Bruges, où Lamme eſpérait trouver sa femme & à Damme où Ulenſpiegel, tout songeur, eût déjà voulu être pour voir Nele qui, dolente, vivait auprès de Katheline, l’affolée.


XXXVI


Depuis longtemps, au pays de Damme & dans les environs, avaient été commis pluſieurs crimes abominables. Fillettes, jeunes gars, hommes vieux, que l’on savait s’en être allés chargés d’argent vers Bruges, Gand ou quelque autre ville ou village de Flandre, furent trouvés morts, nus comme des vers & mordus à la nuque par des dents si longues & si aiguës que l’os du cou était caſſé à tous.

Les médecins & chirurgiens-barbiers déclarèrent que ces dents étaient celles d’un grand loup. « Des larrons, diſaient-ils, étaient venus sans doute, après le loup, & avaient dépouillé les victimes. »

Nonobſtant toutes recherches, nul ne put découvrir quels étaient les larrons. Bientôt le loup fut oublié.

Pluſieurs notables bourgeois, qui s’étaient mis fièrement en route sans eſcorte, diſparurent sans que l’on sût ce qu’ils étaient devenus, sauf parfois que quelque manant, allant au matin pour labourer la terre, trouvait des traces de loup dans son champ, tandis que son chien, creuſant de ses pattes les sillons, mettait au jour un pauvre corps mort & portant les dents de loup marquées sur la nuque ou sous l’oreille, & maintes fois auſſi