Page:De Coster - La Légende d’Ulenspiegel, 1869.djvu/515

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doute, Ulenſpiegel, & toi auſſi Nele, car je vous vois toujours allègres & jeunets.

— Pourquoi traînes-tu la jambe ? demanda Nele à Lamme.

— Je ne suis point eſprit & ne le serai jamais, dit-il. Auſſi ai-je reçu un coup de hache dans la cuiſſe — ma femme l’avait si ronde & si blanche ! — vois, je saigne. Las ! que ne l’ai-je ici pour me soigner !

Mais Nele fâchée répondit :

— Qu’as-tu beſoin d’une femme parjure ?

— N’en dis point de mal, répondit Lamme.

— Tiens, dit Nele, voici du baume ; je le gardais pour Ulenſpiegel ; mets-le sur la plaie.

Lamme ayant panſé sa bleſſure fut joyeux, car le baume en fit ceſſer la cuiſante douleur ; & ils remontèrent à trois sur le navire.

Voyant le moine qui s’y promenait les mains liées :

— Quel eſt celui-ci ? dit-elle : je l’ai vu déjà & crois le reconnaître.

— Il vaut cent florins de rançon, répondit Lamme.


XXII


Ce jour-là, sur la flotte, il y eut fête. Malgré l’aigre vent de décembre, malgré la pluie, malgré la neige, tous les Gueux de la flotte étaient sur les ponts des navires. Les croiſſants d’argent brillaient fauves sur les couvre-chefs de Zélande.

Et Ulenſpiegel chanta :

Leyde eſt délivré, le duc de sang quitte les Pays-Bas :
Sonnez, cloches retentiſſantes ;
Carillons, lancez dans les airs vos chanſons ;
Tintez, verres & bouteilles.

Quand le dogue s’en revient des coups,
La queue entre les jambes,
D’un œil sanglant
Il se retourne sur les bâtons.