Page:De Coster - La Légende d’Ulenspiegel, 1869.djvu/535

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ton blé, tes chevaux, tes chariots,-----
Toi qui es pour eux un père.----------
Oh ! l’Angevine déconfiture !-----

Toi qui es pour eux une mère,---------
Allaitant les déportements------------
De ces parricides qui souillent--------
Ton nom à l’étranger, France qui te repais
Des fumées de leur gloire,-----------
Quand ils ajoutent,------------------
Par de sauvages exploits…-----------
Oh ! l’Angevine déconfiture !-----

Un fleuron à ta couronne militaire,------
Une province à ton territoire.-----------
Laiſſe au coq stupide « Luxure & bataille ; »
Le pied sur la gorge,-----------------
Peuple français, peuple de mâles,------
Le pied qui les écraſe !---------------
Et tous les peuples t’aimeront---------
Pour Angevine déconfiture.-------


VI


En mai, quand les payſannes de Flandre jettent la nuit lentement au-deſſus & en arrière de leurs têtes trois fèves noires pour se préſerver de maladie & de mort, la bleſſure de Lamme se rouvrit ; il eut une grande fièvre & demanda à être couché sur le pont du navire, vis-à-vis la cage du moine.

Ulenſpiegel le voulut bien ; mais de crainte que son ami ne tombât à la mer en un accès, il le fit bien solidement attacher à son lit.

En ses lueurs de raiſon il recommanda sans ceſſe qu’on n’oubliât pas le moine ; & il lui tirait la langue.

Et le moine diſait :

— Tu m’inſultes, gros homme.

— Non, répondait Lamme, je t’engraiſſe.

Le vent soufflait doux, le soleil brillait tiède : Lamme en fièvre était bien attaché sur son lit, afin qu’en ses soubreſauts d’affolement, il ne sautât