Page:De Figuris veneris ou les Multiples visages de l’amour (éd. Chat qui pelotte).djvu/155

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qu’entouré de tous ses miroirs il se faisait spectateur de ses turpitudes ; oui, ce qui, même demeuré secret, pèse sur la conscience ; ce que tout accusé nie, il en souillait sa bouche, il le touchait de ses yeux. Et pourtant, ô dieux, le crime recule devant son propre aspect ; les hommes perdus d’honneur et voués à toutes les humiliations gardent comme un dernier scrupule la pudeur des yeux. Mais lui, comme si c’était peu d’endurer des choses inouïes, inconnues, il conviait ses yeux à les voir ; et non content d’envisager toute sa dégradation, il avait ses miroirs pour multiplier ces sales images et les grouper autour de lui ; et comme il ne pouvait tout voir aussi bien quand il se livrait aux étreintes de l’un, et que la tête baissée, sa bouche s’appliquait aux aines d’un autre, il s’offrait à lui-même, à l’aide de ses miroirs, le tableau de son double rôle. Il contemplait l’œuvre infâme de cette bouche ; il se voyait pénétré par tout ce qu’il pouvait admettre d’hommes à son accouplement. Partagé quelquefois entre un homme et une femme, et passif de toute sa personne, que d’abominations ne voyait-il pas ? Que restait-il que cet être immonde eût pu réserver pour les ténèbres ? Loin que le jour lui fît peur, il s’étalait à lui-même ses monstrueux accouplements, il se les faisait admirer. Que dis-je ? Doutez-vous qu’il n’eût souhaité d’être peint dans ces attitudes ? Les prostituées même ont encore quelque retenue, et ces créatures, livrées à la lubricité publique, tendent à leur porte quelque voile qui cache leur triste complaisance, tant il est vrai que les lupanars même ont pour ainsi dire leur pudeur. Mais ce monstre avait érigé son ignominie en spectacle ; il se mirait dans ces actes que la plus profonde nuit ne voile pas assez. « Oui, se dit-il, je subis en même temps et un homme et une femme ;