Page:De Figuris veneris ou les Multiples visages de l’amour (éd. Chat qui pelotte).djvu/46

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l’attente ne l’avait été, et ce qu’il y a de plus bizarre est que ce châtiment m’affectionna davantage encore à celle qui me l’avait imposé. Il fallait même toute la vérité de cette affection et toute ma douceur naturelle pour m’empêcher de chercher le retour du même traitement en le méritant : car j’avais trouvé dans la douleur, dans la honte même, un mélange de sensualité qui m’avait laissé plus de désir que de crainte de l’éprouver derechef par la même main. Qui croirait que ce châtiment d’un enfant reçu à huit ans par la main d’une fille de trente, a décidé de mes goûts, de mes désirs, de mes passions, de moi, pour le reste de ma vie ? Tourmenté longtemps, sans savoir de quoi, je dévorais d’un œil ardent les belles personnes, mon imagination me les rappelait sans cesse, uniquement pour les mettre en œuvre à ma mode, et en faire autant de demoiselles Lambercier. N’imaginant que ce que j’avais senti, je ne savais porter mes désirs que vers l’espèce de volupté qui m’était connue. Dans mes sottes fantaisies, dans mes érotiques fureurs, dans les actes extravagants auxquels elles me portaient quelquefois, j’empruntais imaginairement le secours de l’autre sexe, sans penser jamais qu’il fut propre à nul autre usage qu’à celui que je brûlais d’en tirer. Mais quand enfin le progrès des ans m’eut fait homme, mon ancien goût d’enfant s’associa tellement à l’autre, que je ne pus jamais l’écarter des désirs allumés par mes sens, et cette folie, jointe à ma timidité naturelle, m’a toujours rendu très peu entreprenant près des femmes ; faute d’oser tout dire ou de pouvoir tout faire, l’espèce de jouissance dont l’autre n’était pour moi que le dernier terme, ne pouvant être usurpée par celui qui la désire, ni devinée par celle qui peut l’accorder. J’ai ainsi passé ma vie à convoiter et me taire auprès des