Scène XVII.
Ah ! ah ! ah !… Sergent, puis-je tourner la tête ?
Je lève la consigne.
Dites-donc, pas de farce !… Votre sabre n’est plus suspendu à ma joue ?…
Eh ! non…
Eh ! ben, nous allons rédiger mon rapport, n’est-ce pas ?…
Tu as-donc juré guerre à mort à mon sommeil… Écoute… « Aujourd’hui, entre 9 et 10 heures, le citoyen Sauvageot a fait une visite chez moi… où tout était parfaitement tranquille. » voilà !
Allons donc… C’est pas ça du tout… ça n’a jamais ressemblé à une action d’éclat… Je vas arranger ça moi même.
C’est ça, rédige-le ton rapport… ça me poussera au sommeil…
(Il roule le grand fauteuil, vers la droite et s’y assied.)
« Service extraordinaire… » en grosse bâtarde… c’est déjà pas mal… « Le citoyen Gracchus, Fructidor. Ciboule, Sauvageot, membre de la municipalité, commandant de la garde nationale du Puy… » (Cherchant.) J’ai-t-y encore d’autres dignités ?… Je mets etc., etc., etc… trois fois… « Déjà connu dans le pays par ses vertus civiques et la qualité de ses fromages… vient encore de se couvrir de gloire et d’acquérir des droits à la vénération de ses concitoyens… A la tête d’un homme seulement, il a osé pénétrer dans une maison infectée de suspects. »
Il n’y en avait pas un seul…
Il pouvait y en avoir… j’en savais rien… (Écrivant.) « Après un combat opiniâtre, il les a tous taillés en pièces… sans coup férir. »
Qu’est-ce que tu écris là, imbécille ?
Ça se met toujours sur les rapports…
Sans coup férir… ça veut dire sans tirer un coup de fusil…