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GRITTLY.

Une guitare neuve ?

FRANTZ.

Ah ! bien oui !

GRITTLY.

Quoi donc, alors ?

FRANTZ.

Un mouchoir… de soie… C’est mon rêve d’avoir un mouchoir de soie.

GRITTLY, riant.

Je te reconnais bien là… toujours ambitieux !

FRANTZ.

Oh !… avoir un mouchoir de soie… à soi !…

GRITTLY.

Mais en attendant que cette fortune nous arrive, si tu m’en crois nous nous remettrons en route…

FRANTZ, qui a rassemblé les paquets.

Tu as raison… en route… (Au moment où ils vont partir, Berthold paraît sur ta montagne.)


Scène II.

Les mêmes, BERTHOLD.
BERTHOLD.
AIR
––––––––Voici le colporteur,
––––––––Venez à sa boutique,
––––––––Il sait, avec bonheur,
––––––––Contenter la pratique…
–––––––––Voyez, choisissez,
–––––––––Achetez, payez !
–––––––––Tout est à la mode,
–––––––––Solide et commode !…
––––––––––––Couteaux,
––––––––––––Ciseaux,
––––––––––––Ratine
––––––––––––Fine ;
––––––––––––Rubans
––––––––––––Et gants.
––––––––––––Dentelles
––––––––––––Fort belles !
––––––––––––Joujoux,
––––––––––––Bijoux,
––––––––––––Images,
––––––––––––Lainages,
––––––––––––Tabac.
––––––––––––Cognac,
––––––––––––Mouchettes,
––––––––––––Serviettes,
––––––––––––Bonnets
––––––––––––Coquets,
––––––––––––Ficelles,
––––––––––––Flanelles,
––––––––––––Rasoirs,
––––––––––––Mouchoirs !
––––––J’en ai vraiment pour tous les goûts,
––––––Filles, garçons accourez tous !…
–––––––––Voyez, choisissez,
–––––––––Achetez, payez !
–––––––––Tout est à la mode,
–––––––––Solide et commode.
(Appercevant Grittly qui l’examine curieusement.)
––––––Et toi, brunette si gentille,
––––––Dont l’œil velouté scintille ;
––––––Choisis dans ma pacotille
––––––––––Galants bonnets,
––––––Rubans, séduisants affiquets.
––––––––––À peu de frais,
––––––Tu vas rehausser tes attraits !…
––––––––––Voici le colporteur,
––––––––––Venez à sa boutique,
––––––––––Il sait avec bonheur
––––––––––Contenter la pratique…

(Regardant autour de lui.) Un banc… une fontaine !… Ouf ! quelques minutes de halte ici ne seraient pas de trop… avec un coup de brosse avant d’entrer en ville. (Il se débarrasse de sa balle.)

FRANTZ, qui discutait au fond avec Grittly.

Eh ! si… laisse-moi toujours demander… (À Berthold.) Dites-donc, M’sieu !

BERTHOLD.

Hein !… Qu’est-ce ?

FRANTZ.

Tout ce que vous venez de dire, c’est-il vrai que c’est dans votre ormoire ?

BERTHOLD.

Tout ça… et bien d’autres choses encore, mon garçon, (Il s’apprête à ouvrir la boîte.) Voulez-vous voir ?

GRITTLY.

Oh ! c’est inutile, Monsieur…

BERTHOLD.

Pourquoi pas, la petite mère ?… la vue n’en coûte rien…

FRANTZ.

C’est vrai… Et vous dites que vous avez aussi des mouchoirs ?

BERTHOLD.

En cotonnade, en toile de Hollande, en soie… vrais foulard de l’Inde…

FRANTZ.

D’Inde, Grittly, entends-tu ?

BERTHOLD.

Vous en voulez ?

GRITTLY.

Non, Monsieur, merci… Viens Frantz.

FRANTZ.

Laisse donc… (À Berthold.) Et combien que ça coûte un mouchoir en soie… d’Inde, Monsieur ?

BERTHOLD.

Deux thalers.

FRANTZ.

Pristi !

BERTHOLD.

C’est trop cher pour vous ?

GRITTLY, riant.

Oh ! oui, Monsieur… votre servante.

FRANTZ, en contemplation devant la boîte.

Dire qu’il y a là-dedans tant de belles choses, et que si mon numéro était bon…

BERTHOLD.

Un numéro… de quoi ?…

FRANTZ.

De la loterie de Vienne, donc.

BERTHOLD.

De Vienne !… comme ça se trouve : elle est tirée… et si vous y tenez, je peux vous dire votre sort.

FRANTZ.

Bah ! vous pourriez ?…

BERTHOLD.

Oui… j’ai la liste des numéros gagnants.

FRANTZ.

Vrai ?… voyons !

BERTHOLD.

Un instant, c’est trois kreutzers.

FRANTZ.

Donne, Grittly, donne vite.

GRITTLY, donnant l’argent.

Es-tu enfant, va…

TRIO.
FRANTZ, à Berthold.
––––––Et maintenant lisez-nous ça…
BERTHOLD.
––––––Attention, nous y voilà…
FRANTZ, allant prendre le bras de Grittly, sur lequel il s’appuie.
––––––Un instant !… Là, tous deux ensemble,
––––––Je crois que nous entendrons mieux.
GRITTLY.
––––––Mais, vraiment, on dirait qu’il tremble…
FRANTZ.
––––––Non, non, c’est un effet nerveux !…
BERTHOLD.
––––––Si vous voulez que je commence,
––––––Taisez-vous…
FRANTZ.
––––––Taisez-vous… Je ne souffle mot…
––––––Je tremble et bous d’impatience.
GRITTLY.
––––––Du courage… allons…
BERTHOLD.
––––––Du courage… allons… Premier lot…
FRANTZ, s’accrochant au bras de Grittly.
––––––Tiens-moi bien…
BERTOLD
––––––Tiens-moi bien… Premier lot…
FRANTZ
––––––Tiens-moi bien… Premier lot… Ah !…
BERTHOLD.
––––––Tiens-moi bien… Premier lot… Ah !… Treize…
FRANTZ
––––––Ce n’est pas ça… continuez…
BERTHOLD.
––––––Second lot…