- Ah !…
- Quatre-vingt-seize.
- Ce n’est pas ça…
- Non ?…
- Poursuivez…
- Troisième lot…
- Ah !…
- Deux cent trente.
- Ce n’est pas ça…
- Comment ! tu ris !…
- Quatrième…
- Ah !…
- C’est le soixante
- Ah !…
- Six…
- Hein ?… Le ?…
- Soixante-six…
- Soutiens-moi… je m’évanouis !…
- Quoi ! vous auriez ?…
- Voyez vous-même.
- Mais en effet…
- Heureux destins !…
- Il a gagné !…
- Bonheur extrême !
- Et combien ?…
- Cent mille florins !…
- À moi l’opulence ;
- À moi les écus ;
- Vive la bombance.
- Je suis un crésus !
- Je veux en carrosse,
- Désormais chanter,
- Et faire la noce
- Sans jamais compter…
- En riches toilettes,
- Je vais m’étaler,
- Bientôt de mes fêtes,
- Chacun va parler !
- Car j’ai l’opulence
- Et beaucoup d’écus ;
- Vive la bombance,
- Je suis un crésus,
- Vivent les crésus !
- Grâce à leurs écus,
- Partout bien venus,
- Partout bien reçus,
- Borgnes et bossus,
- Bancroches, tortus,
- Obtus, saugrenus,
- Dès qu’ils sont cossus,
- Ils sont bien venus,
- Et les mieux reçus !
- Vivent les écus,
- Les petits écus,
- Et les gros écus,
- Et tous les écus.
- À moi l’opulence,
- À moi les écus ;
- Vive la bombance,
- Je suis un crésus !
- À lui l’opulence,
- À lui les écus ;
- Pour lui quelle chance !
- C’est un vrai crésus !
Ohé !… ohé !… j’ai envie de rire… j’ai envie de pleurer… j’ai envie de danser… Embrassez-moi, Grittly… Et vous aussi, colporteur de mon cœur…
Seigneur !… est-ce qu’il devient fou !…
Donnez-m’en un tout de suite.
Un quoi ?
Un… de soie donc… (Criant.) Un mouchoir… et une cravate… envoie aussi… quoi encore !… ah ! des souliers…
En soie ?…
Toujours… sans clous…
Eh bien ! et les cailloux…
Les cailloux !… je m’en moque pas mal !… Est-ce que tu t’imagines que je vas continuer ma route à pied ?…
Décidément sa tête déménage.
Oui, c’est dit, j’achète un cheval… une carriole… (À Berthold.) Je le peux, pas vrai ?
Comment donc !
Et nous monterons tous dedans… Toi… moi… le cheval… et lui aussi.
Et nos guitares ?
Aussi, c’est-à-dire non… Qu’est-ce que nous avons besoin de nous embarrasser de tout ça à présent. (À Berthold en lui présentant une des guitares.) Voulez-vous les acheter ?
Bien obligé… j’en porte déjà assez !
Une fois… deux fois, vous n’en voulez pas ?… Alors, bonsoir… (Il lance la guitare dans le ravin ; on l’entend rouler et se briser.)
Ah !… Frantz… c’est mal !… c’est bien mal !… (Elle regarde, puis descend précipitamment dans le ravin.)
Scène III.
Eh ben !… eh ben ! Grittly… Où va-t-elle ?… comme si nous avions besoin maintenant de ces chaudrons là…
Tenez, jeune homme… ça vous convient-il ?
Superbe ! magnifique ! (Il en prend un.) D’abord, celui-là pour moi… Oh ! mon rêve ! mon rêve !… (Il se mouche bruyamment.) Ah ! que c’est bon !… ça donnerait envie ne s’enrhumer… (Prenant un autre foulard que Berthold lui présente.) Et puis celui-ci…
Pour la petite ?…
Non… pour moi encore… et puis ce n’est pas tout, père cloporte… colporteur…, il me faut des z’hardes…
Pour la petite ?…
Eh ! non… pour moi… maintenant que je suis calé, je ne peux plus rester dans cette tenue-là… je veux tout ce qu’il y a de plus bon genre.
C’est facile, mon garçon, la ville est à deux pas.
Oui, mais c’est que…
Eh bien ! est-ce que je ne suis pas là… Entre amis…