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LES ANCIENS CANADIENS.

bravé la Corriveau, (chose que les habitants considèrent toujours comme dangereuse, les morts se vengeant tôt ou tard de cet affront), se sera endormi le long du chemin vis-à-vis l’île d’Orléans, où les habitants qui voyagent de nuit voient toujours des sorciers ; je crois, dis-je, qu’il aura eu un terrible cauchemar, pendant lequel il était assailli d’un côté par les farfadets de l’île, et de l’autre par la Corriveau avec sa cage (o). José, avec son imagination très vive, aura fait le reste, car tu vois qu’il met tout à profit : les belles images de ton histoire surnaturelle, et les cyriclopes du Vigile de mon oncle le chevalier, dont son cher défunt père n’a jamais entendu parler.

Pauvre José ! ajouta Jules, comme j’ai regret de l’avoir maltraité l’autre jour ; je ne l’ai su que le lendemain, car j’avais entièrement perdu la raison quand je te vis disparaître sous les flots ; je lui ai demandé bien des pardons, et il m’a répondu : — comment ! vous pensez encore à ces cinq sous-là ! et ça vous fait de la peine ! ça me réjouit, moi, au contraire, maintenant que tout le berda (vacarme) est fini : ça me rajeunit même en me rappelant vos belles colères quand vous étiez petit enfant, alors que vous égratigniez et mordiez comme un petit lutin, et que je me sauvais en vous emportant dans mes bras, pour vous exempter la correction de vos parents ; vous pleuriez ensuite quand votre colère était passé, vous m’apportiez tous vos joujoux (jouets) pour me consoler.

Excellent José ! quelle fidélité ! quel attachement à toute épreuve à ma famille ! Des hommes au cœur sec comme l’amadou méprisent trop souvent ceux de la classe de l’humble José, sans posséder une seule de leurs qualités. Le don le plus précieux que le