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LE MANOIR D’HABERVILLE.

bouche, murmura quelque chose entre ses dents, et se remit à fumer avec fureur.

— Il m’est impossible d’expliquer, dit Jules en riant, pourquoi les gardes de mon père, comme tu leur fais l’insigne honneur de les appeler, sont sous les armes : à moins qu’ils ne craignent une surprise de la part de nos amis les Iroquois ; mais avançons, et nous saurons bien vite le mot de l’énigme.

Les six hommes se levèrent spontanément à leur entrée dans la cour, et vinrent souhaiter la bienvenue à leur jeune Seigneur et à son ami.

— Comment, dit Jules en leur serrant la main avec affection : c’est vous, père Chouinard ! c’est toi, Julien ! c’est toi, Alexis Dubé ! c’est vous, père Tontaine ! et c’est toi, farceur de François Maurice ! moi qui croyais que, profitant de mon absence, la paroisse s’était réunie en masse pour te jeter dans le fleuve Saint-Laurent, comme récompense de tous les tours diaboliques que tu fais aux gens paisibles.

— Notre jeune Seigneur, dit Maurice, a toujours le petit mot pour rire, mais si l’on noyait tous ceux qui font endiabler les autres, il y en aurait un qui aurait bu depuis longtemps à la grande tasse.

— Tu crois ! reprit Jules en riant ; ça vient peut-être du mauvais lait que j’ai sucé ; car rappelle-toi bien que c’est ta chère mère qui m’a nourri. Mais parlons d’autre chose. Que diable faites-vous tous ici à cette heure ? Baillez-vous à la lune et aux étoiles ?

— Nous sommes douze, dit le père Chouinard, qui faisons, à tour de relève, la garde du mai que nous devons présenter demain à votre cher père ; six dans la maison qui se divertissent, et nous qui faisons le premier quart.