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LA SAINT-JEAN-BAPTISTE.

Loups-Marins sans cette connaissance. Vers le milieu de mars, il se fit un changement si subit qu’on dut croire au printemps. En effet, les glaces disparurent du fleuve ; et les outardes, les oies sauvages, les canards, firent en grand nombre leur apparition. Cinq de nos chasseurs, bien munis de provisions (car le climat est traître au Canada), partent donc pour la batture mais leurs outardes sont en si grande abondance qu’ils laissent leurs vivres dans le canot, qu’ils amarrent avec assez de négligence vis-à-vis de la cabane, pour courir prendre leurs stations dans le chenal où ils doivent commencer par se percer avant le reflux de la marée. On appelle, comme vous devez le savoir, se percer, creuser une fosse dans la vase, d’environ trois à quatre pieds de profondeur, où le chasseur se blottit pour surprendre le gibier qui est très méfiant, surtout l’outarde et l’oie sauvage. C’est une chasse de misère, car vous restez souvent accroupi sept à huit heures de suite dans ces trous, en compagnie de votre chien. L’occupation ne manque pas d’ailleurs pour tuer le temps, car il vous faut dans certains endroits vider continuellement l’eau bourbeuse qui menace de vous submerger.

Néanmoins tout était prêt et nos chasseurs s’attendaient à être amplement récompensés de leurs peines à la marée montante, quand il s’éleva tout à coup une tempête épouvantable. La neige poussée par le vent état d’une abondance à ne pas voir le gibier à trois brasses du chasseur. Nos gens après avoir patienté jusqu’au flux de la mer, qui les chassa de leurs gabions, retournèrent, de guerre lasse, à leur cabane où un triste spectacle les attendait : leur canot avait été emporté par la tempête, et il ne restait pour toutes pro-