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LES ANCIENS CANADIENS.

visions aux cinq hommes qu’un pain et une bouteille d’eau-de-vie qu’ils avaient mis dans leur cabane à leur arrivée, afin de prendre un coup et une bouchée avant de partir pour la chasse. On tint conseil et on se coucha sans souper : la tempête de neige pouvait durer trois jours, et il leur serait impossible, à une distance à peu près égale de trois lieues des terres du nord et du sud de faire apercevoir les signaux de détresse. Il fallait donc ménager les vivres. Ils étaient loin de leur compte ; il se fit un second hiver, le froid devint très intense, la tempête de neige dura huit jours, et à l’expiration de ce terme, le fleuve fut couvert de glaces comme en janvier.

Ils commencèrent alors à faire des signaux de détresse que l’on vit bien des deux rives du Saint-Laurent ; mais impossible de porter secours. Aux signaux de détresse succédèrent ceux de mort. Le feu s’allumait tous les soirs, et s’éteignait aussitôt ; on avait déjà enregistré la mort de trois des naufragés, quand plusieurs habitants, touchés de compassion firent, au péril de leur vie, tout ce que l’on pouvait attendre d’hommes dévoués et courageux ; mais inutilement, car le fleuve était tellement couvert de glaces, que les courants emportaient les canots soit au nord-est, soit au sud-ouest, suivant le flux et le reflux de la mer, sans les rapprocher du lieu du sinistre. Ce ne fut que le dix-septième jour qu’ils furent secourus par un canot monté par des habitants de l’île aux Coudres. À leur arrivée, n’entendant aucun bruit dans la cabane, ils les crurent tous morts. Ils étaient néanmoins tous vivants, mais bien épuisés. Ils furent bien vite sur pied, après les précautions d’usage ; mais ils promirent bien, quoiqu’un peu tard, que leur première