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LA SAINT-JEAN-BAPTISTE.

deviez être un furieux galant parmi les femmes dans votre jeunesse, et vous avez fait bien des victimes ? Eh ! Eh ! n’est-ce pas, cher oncle ? De grâce racontez-nous vos prouesses.

— Laid, laid, mon petit-fils, fit mon oncle Raoul en se rengorgeant, mais plaisant aux femmes.

Jules allait continuer sur ce ton, mais voyant les gros yeux que lui faisait sa sœur, tout en se mordant les lèvres pour s’empêcher de rire, il reprit le refrain du dernier couplet :

Vous m’avez d’un si grand cœur,
Rendu service :
C’est pour moi beaucoup d’honneur ;
Adieu donc, cher cœur.

Les jeunes gens continuaient à chanter en chœur, lorsqu’ils virent, en arrivant à une clairière, un feu dans le bois, à une petite distance du chemin.

— C’est la sorcière du domaine, dit mon oncle Raoul.

— J’ai toujours oublié de m’informer pourquoi on l’appelle la sorcière du domaine, dit Arché ? (c)

— Parce qu’elle a établi son domicile de prédilection dans ce bois, autrefois le domaine d’Haberville, repartit mon oncle Raoul. Mon frère l’a échangé pour le domaine actuel, afin de se rapprocher de son moulin de Trois-Saumons.

— Allons rendre visite à la pauvre Marie, dit Blanche ; elle m’apportait, le printemps, dans mon enfance, les premières fleurs de la forêt et les premières fraises de la saison.

Mon oncle Raoul fit bien quelques objections, vu l’heure avancée, mais comme il ne pouvait rien refuser à son aimable nièce, on attacha les chevaux à l’entrée d’un taillis, et on se rendit près de la sorcière.