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LE BON GENTILHOMME.

— J’ai promis, comme vous savez, au bon gentilhomme d’aller coucher chez lui avant mon départ pour l’Europe ; je serai de retour demain au matin pour déjeuner avec vous.

Ce disant, il prit son fusil et s’achemina vers la forêt, tant pour chasser que pour abréger la route.

Monsieur d’Egmont, que tout le monde appelait « le bon gentilhomme », habitait une maisonnette, située sur la rivière des Trois-Saumons, à environ trois quarts de lieue du manoir. Il vivait là avec un fidèle domestique qui avait partagé sa bonne et mauvaise fortune. André Francœur était du même âge que son maître, et son frère de lait ; compagnon des jeux de son enfance, plutôt son ami, son confident, que son valet de chambre dans un âge plus avancé, André Francœur avait trouvé aussi naturel de s’attacher à lui, lorsque la main de fer du malheur l’eut étreint, que lorsqu’en ses jours prospères, il le suivait dans ses parties de plaisir et recevait les cadeaux dont le comblait sans cesse son bon et généreux maître.

Le bon gentilhomme et son domestique vivaient alors d’une petite rente, produit d’un capital qu’ils avaient mis en commun. On pouvait même dire que les épargnes du valet surpassaient celles du maître, provenant d’une petite pension alimentaire que lui faisait sa famille lorsqu’il vivait en France. Était-ce bien honorable à monsieur d’Egmont de vivre en partie des épargnes de Francœur ? chacun répondra non ; mais le bon gentilhomme raisonnait autrement :

— J’ai été riche autrefois, j’ai dépensé la plus grande partie de ma fortune à obliger mes amis, j’ai