Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/16

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puissants empires de l’univers, n’a pas eu lieu de déplorer sa défaite. Ses anciens ennemis s’enorgueillissent des travaux de ses littérateurs ; et ses hommes d’état ont été aussi célèbres dans le cabinet de leur souverain que leurs guerriers en combattant pour leur nouvelle patrie. Tandis que leurs frères de la verte Érin, les Irlandais au cœur chaud et généreux, frémissent encore en mordant leurs chaînes, eux, les Écossais, jouissent en paix de leur prospérité. Pourquoi cette différence ? L’Irlande a pourtant fourni plus que son contingent de gloire à la fière Albion ! La voix puissante de ses orateurs a électrisé les tribunaux et les parlements anglais ; ses soldats, braves entre les braves, ont conquis des royaumes ; ses poètes, ses écrivains, charment toujours les loisirs des hommes de lettre de la Grande Bretagne. Aucune part de gloire ne lui a été refusée. Pourquoi, alors, son dernier cri d’agonie gronde-t-il encore dans les champs, dans les vallées, dans les montagnes et jusques sur la terre de l’exil ? On croirait que la terre d’Érin, arrosée de tant de larmes, ne produit que de l’absynthe, des ronces et des épines ; et cependant ses prés sont toujours verts, et ses champs produisent d’abondantes moissons ! Pourquoi ce mugissement précurseur de la tempête s’échappe-t-il sans cesse de la poitrine des généreux Irlandais ? L’histoire répond à cette question.

Un oncle d’Arché, qui avait aussi suivi l’étendard et la fortune du malheureux Prince, parvint, après la journée désastreuse de Culloden, à dérober sa tête à l’échafaud ; et après mille périls, mille obstacles, réussit à se réfugier en France avec le jeune orphelin. Le vieux gentilhomme, proscrit et ruiné, avait beaucoup de peine à subvenir à ses propres besoins et à