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LES ANCIENS CANADIENS.

défalcation considérable ! Bah ! me dis-je, à la fin, que m’importe la perte de mes biens ! que m’importe l’or que j’ai toujours méprisé ! que je paie mes dettes ; je suis jeune, je n’ai point peur du travail, j’en aurai toujours assez. Qu’ai-je à craindre d’ailleurs ? mes amis me doivent des sommes considérables. Témoins de mes difficultés financières, non seulement ils vont s’empresser de liquider, mais aussi, s’il est nécessaire, de faire pour moi ce que j’ai fait tant de fois pour eux. Que j’étais simple, mon cher fils, de juger les autres par moi-même ! J’aurais, moi, remué ciel et terre pour sauver un ami de la ruine : j’aurais fait les plus grands sacrifices. Que j’étais simple et crédule : ils ont eu raison, les misérables, de se moquer de moi.

Je fis un état de mes créances, de la valeur de mes propriétés, et je vis clairement que mes rentrées faites, mes immeubles vendus, je n’étais redevable que d’une balance facile à couvrir à l’aide de mes parents. La joie rentra dans mon cœur. Que je connaissais peu les hommes ! Je fis part, en confidence, de mes embarras à mes débiteurs. Je leur dis que je me confiais à leur amitié pour garder la chose secrète, que le temps pressait, et que je les priais de me rembourser dans le plus court délai. Je les trouvai froids comme j’aurais dû m’y attendre. Plusieurs auxquels j’avais prêté, sans reconnaissance par écrit de leur part, avaient même oublié ma créance. Ceux dont j’avais les billets me dirent que c’était peu généreux de les prendre au dépourvu ; qu’ils n’auraient jamais attendu cela d’un ami. Le plus grand nombre, qui avaient eu des transactions à mon bureau, prétendirent effrontément que j’étais leur