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LES ANCIENS CANADIENS.

CHAPITRE ONZIÈME.

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Sœpè malum hoc nobis, si mens non læva fuisset,
De cœlo tactas memini prædicere quercus.

Virgile.


légende de madame d’haberville.


Tout était triste et silencieux dans le manoir d’Haberville : les domestiques même faisaient le service d’un air abattu, bien loin de la gaieté qu’ils montraient toujours en servant cette bonne famille. Madame d’Haberville dévorait ses larmes pour ne pas contrister son mari, et Blanche se cachait pour pleurer, afin de ne pas affliger davantage sa tendre mère, car dans trois jours, le vaisseau dans lequel les jeunes gens avaient pris leur passage faisait voile pour l’Europe. Le capitaine d’Haberville avait invité ses deux amis, le curé et monsieur d’Egmont, à dîner en famille : c’était un dîner d’adieux, que chacun s’efforçait inutilement d’égayer. Le curé, homme de tact, pensant qu’il valait mieux s’entretenir de choses sérieuses, que de retomber à chaque instant dans un pénible silence, prit la parole :

— Savez-vous, messieurs, que l’horizon de la Nouvelle-France se rembrunit de jour en jour. Nos voisins, les Anglais, font des préparatifs formidables