pour envahir le Canada, et tout annonce une invasion prochaine.
— Après, dit mon oncle Raoul !
— Après, tant qu’il vous plaira, mon cher chevalier, reprit le curé ; toujours est-il que nous n’avons guère de troupes pour résister longtemps à nos puissants voisins.
— Mon cher abbé, ajouta mon oncle Raoul, il est probable qu’en lisant ce matin votre bréviaire, vous êtes tombé sur un chapitre des lamentations du prophète Jérémie.
— Cette citation est contre vous, car les prophéties se sont accomplies.
— N’importe, s’écria le chevalier en serrant les dents ; les Anglais ! les Anglais prendre le Canada ! ma foi, je me ferais fort de défendre Québec avec ma béquille. Vous avez donc oublié, continua mon oncle Raoul en s’animant, que nous les avons toujours battus, les Anglais ; battus un contre cinq, un contre dix et quelquefois un contre vingt… Les Anglais, vraiment !
— Concedo, dit le curé ; je vous accorde tout ce que vous voudrez, et même davantage, si ça vous fait plaisir ; mais remarquez bien que chacune de nos victoires nous affaiblit, tandis que l’ennemi, grâce à la prévoyance de l’Angleterre, semble reprendre de nouvelles forces, et que, d’un autre côté, la France nous abandonne presque à nos propres ressources.
— Ce qui montre, dit le capitaine d’Haberville, la confiance qu’a notre bien-aimé roi Louis xv dans notre courage pour défendre sa colonie.
— En attendant, interrompit monsieur d’Egmont, la France envoie si peu de troupes que la colonie va s’affaiblissant de jour en jour.