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LES ANCIENS CANADIENS.

— Monsieur l’Anglais, ne tuez pas grand-papa ! si vous saviez comme il est bon !

— Ne craignez rien, dit Arché en entrant dans la maison ; mes ordres ne sont pas de tuer les femmes, les vieillards et les enfants. On supposait sans doute, ajouta-t-il avec amertume, que je n’en rencontrerais pas un seul sur mon chemin !

Étendu sur un lit de douleur, un vieillard, dans toute la décrépitude de l’âge, lui dit :

— J’ai été soldat toute ma vie, monsieur ; je ne crains pas la mort, que j’ai vue souvent de bien près, mais, au nom de Dieu, épargnez ma fille et son enfant !

— Il ne leur sera fait aucun mal, lui dit Arché les larmes aux yeux ; mais, si vous êtes soldat, vous savez qu’un soldat ne connaît que sa consigne : il m’est ordonné de brûler toutes les bâtisses sur ma route, et il me faut obéir. Où faut-il vous transporter, mon père ? Écoutez, maintenant, ajouta-t-il en approchant sa bouche de l’oreille du vieillard comme s’il eût craint d’être entendu de ceux qui étaient dehors, écoutez : votre petit-fils paraît actif et intelligent ; qu’il parte à toute bride, s’il peut se procurer un cheval pour avertir vos compatriotes que j’ai ordre de tout brûler sur mon passage : ils auront peut-être le temps de sauver leurs effets les plus précieux.

— Vous êtes un bon et brave jeune homme ! s’écria le vieillard : si vous étiez catholique je vous donnerais ma bénédiction ; mais, merci, cent fois merci !   (a)

— Je suis catholique, dit de Locheill.

Le vieillard se souleva de sa couche avec peine, éleva ses yeux vers le ciel, étendit les deux mains sur Arché, qui baissa la tête, et s’écria :