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UNE NUIT AVEC LES SAUVAGES.

– S’il est un chrétien parmi vous, pour l’amour de Dieu qu’il me donne à boire.

— Que veut le chien ? dit la Grand’-Loutre à son compagnon.

L’homme interpellé fut quelque temps sans répondre ; tout son corps tressaillit, une pâleur livide se répandit sur son visage, une sueur froide inonda son front ; mais faisant un grand effort sur lui-même, il répondit de sa voix naturelle :

— Le prisonnier demande à boire.

— Dis au chien d’Anglais, dit Talamousse, qu’il sera brûlé demain ; et que s’il a bien soif, on lui donnera de l’eau bouillante pour le rafraîchir.

— Je vais le lui dire, répliqua le Canadien, mais en attendant, que mes frères me permettent de porter de l’eau à leur prisonnier.

— Que mon frère fasse comme il voudra, dit Talamousse : les visages pâles ont le cœur mou comme des jeunes filles.

Le Canadien ploya un morceau d’écorce de bouleau en forme de cône, et le présenta plein d’eau fraîche au prisonnier en lui disant :

— Qui êtes-vous, monsieur ? Qui êtes-vous, au nom de Dieu ! vous dont la voix ressemble tant à celle d’un homme qui m’est si cher ?

— Archibald Cameron of Locheill, dit le premier, l’ami autrefois de vos compatriotes ; leur ennemi aujourd’hui, et qui a bien mérité le sort qui l’attend.

— Monsieur Arché, reprit Dumais, car c’était lui, — quand vous auriez tué mon frère, quand il me faudrait fendre le crâne avec mon casse-tête à ces deux Canaouas (b), dans une heure vous serez libre. Je