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LES ANCIENS CANADIENS.

vais d’abord essayer la persuasion, avant d’en venir aux mesures de rigueur. Silence maintenant.

Dumais reprit sa place près des Indiens et leur dit après un silence assez prolongé :

— Le prisonnier remercie les peaux-rouges de lui faire souffrir la mort d’un homme ; il dit que la chanson du visage pâle sera celle d’un guerrier.

— Houa ! fit la Grand’-Loutre, l’Anglais fera comme le hibou qui se lamente, quand il voit le feu de nos wigwams pendant la nuit (c).

Et il continua à fumer en regardant de Locheill avec mépris.

— L’Anglais, dit Talamousse, parle comme un homme maintenant qu’il est loin du poteau ; l’Anglais est un lâche qui n’a pu souffrir la soif ; l’Anglais, en pleurant, a demandé à boire à ses ennemis, comme les petits enfants font à leurs mères.

Et il fit mine de cracher dessus.

Dumais ouvrit un sac, en tira quelques provisions et en offrit aux deux sauvages qui refusèrent de manger. Disparaissant ensuite dans les bois, il revint avec un flacon d’eau-de-vie qu’il avait mis en cache sous les racines d’une épinette, prit un coup et se mit à souper. Les yeux d’un des sauvages dévoraient le contenu du flacon (d).

— Talamousse n’a pas faim, mon frère, dit-il, mais il a soif : il a fait une longue marche aujourd’hui et il est bien fatigué : l’eau de feu délasse les jambes.

Dumais lui passa le flacon ; le sauvage le saisit d’une main tremblante de joie, se mit à boire avec avidité, et lui rendit le flacon après en avoir avalé un bon demiard tout d’un trait. Ses yeux, de brillants