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LES ANCIENS CANADIENS.

— Adieu, Jules, lui dit Arché ! Adieu, mon frère ! le devoir impérieux m’oblige de te laisser : nous reverrons tous deux de meilleurs jours.

Et il rejoignit en gémissant ses compagnons.

— Maintenant, mes garçons, dit de Locheill après avoir jeté un coup d’œil rapide sur la plaine, après avoir prêté l’oreille aux bruits confus qui en sortaient, maintenant, mes garçons, point de fausse délicatesse ; la bataille est perdue sans ressources ; montrons à présent l’agilité de nos jambes de montagnards, si nous voulons avoir la chance d’assister à d’autres combats ; en avant donc, et ne me perdez pas de vue.

Profitant alors, avec une rare sagacité, de tous les accidents de terrain, prêtant l’oreille de temps en temps aux cris des Français acharnés à la poursuite des Anglais, qu’ils voulaient refouler sur la rivière Saint-Charles, de Locheill eut le bonheur de rentrer dans la ville de Québec, sans avoir perdu un seul homme de plus. Cette vaillante compagnie avait déjà assez souffert : la moitié était restée sur le champ de bataille ; et de tous les officiers et sous-officiers, de Locheill était le seul survivant.

Honneur au courage malheureux ! Honneur aux mânes des soldats anglais dont les corps furent enterrés pêle-mêle avec ceux de leurs ennemis, le 28 avril 1760. Honneur à ceux dont on voit encore les monceaux d’ossements reposer en paix près du moulin de Dumont dans un embrassement éternel ! Ces soldats auront-ils oublié leurs haines invétérées pendant ce long sommeil ! ou seront-ils prêts à s’entr’égorger de nouveau, lorsque la trompette du jugement dernier sonnera le dernier appel de l’homme de guerre sur la vallée de Josaphat !