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LES PLAINES D’ABRAHAM.

Honneur à la mémoire des guerriers français dont les plaines d’Abraham recouvrent les corps sur le sinistre champ de bataille de l’année précédente ! auront-ils mémoire, après un si long sommeil, de leur dernière lutte pour défendre le sol de leur patrie passée sous le joug de l’étranger ? chercheront-ils en s’éveillant leurs armes pour reconquérir cette terre que leur courage trahi n’a pu conserver ? les héros, chantés par les poètes de la mythologie, conservaient leurs passions haineuses dans les champs élysées ; les héros chrétiens pardonnent en mourant à leurs ennemis.

Honneur au courage malheureux ! si les hommes, qui fêtent l’anniversaire d’une grande victoire glorieusement disputée, avaient dans l’âme une parcelle de sentiments généreux, ils appendraient au brillant pavillon national, un drapeau à la couleur sombre avec cette légende : « honneur au courage malheureux ! » Parmi les guerriers célèbres dont l’histoire fait mention, un seul, le lendemain d’une victoire mémorable, se découvrit avec respect devant les captifs en présence de son nombreux état-major, et prononça ses paroles dignes d’une grande âme : « honneur, messieurs, au courage malheureux ! » il voulait, sans doute, que les Français dans leurs triomphes futurs, fissent la part de gloire aux vaincus qui en étaient dignes : il savait que chacune de ses paroles resterait à jamais gravée sur le marbre de l’histoire. Les grands guerriers sont nombreux, la nature avare prend des siècles pour enfanter un héros.

Le champ de bataille offrait un bien lugubre spectacle après la victoire des Français : le sang, l’eau et la boue adhéraient aux vêtements, aux cheveux, aux