Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
278
LES ANCIENS CANADIENS.

— Merci, mille fois merci, monsieur le général, dit Arché : comptez sur mon dévouement à toute épreuve, quand il me serait même ordonné de marcher seul jusqu’à la bouche des canons. Un poids énorme pesait sur ma poitrine ; je me sens maintenant léger comme le chevreuil de nos montagnes.

De toutes les passions qui torturent le cœur de l’homme, la vindication et la jalousie sont les plus difficiles à vaincre : il est même bien rare qu’elles puissent être extirpées. Le capitaine d’Haberville, après avoir écouté, en fronçant les sourcils, le récit de monsieur de Lacorne, se contenta de dire :

— Je vois que les services de monsieur de Locheill ont été appréciés à leur juste valeur : quant à moi, j’ignorais lui devoir autant de reconnaissance.

Et il détourna la conversation.

Monsieur de Saint-Luc regarda alternativement les autres membres de la famille qui, la tête basse, n’avaient osé prendre part à la conversation ; et se levant de table, il ajouta :

— Ce répit, d’Haberville, est un événement des plus heureux pour toi, car sois persuadé que d’ici à deux ans, il te sera libre de rester en Canada ou de passer en France. Le gouverneur anglais a encouru une trop grande responsabilité envers son gouvernement, en vouant à une mort presque certaine tant de personnes recommandables, tant de gentilshommes alliés aux familles les plus illustres, non seulement du continent, mais aussi de l’Angleterre, pour ne pas chercher, en se conciliant les Canadiens, à étouffer les suites de cette déplorable catastrophe.

Maintenant adieu, mes chers amis ; il n’y a que les âmes pusillanimes qui se laissent abattre par le mal-