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LE NAUFRAGE DE “L’AUGUSTE.”

heur. Il nous reste une grande consolation dans notre infortune : nous avons fait tout ce que l’on pouvait attendre d’hommes courageux ; et s’il eût été possible de conserver notre nouvelle patrie, nos cœurs, secondés de nos bras, l’auraient fait.

La nuit était bien avancée lorsque monsieur de Saint-Luc, en arrivant à Québec, se présenta à la porte du château Saint-Louis, dont on lui refusa d’abord l’entrée ; mais il fit tant d’instances, en disant qu’il était porteur de nouvelles de la plus haute importance, qu’un aide de camp consentit enfin à réveiller le gouverneur, couché depuis longtemps (k). Murray ne reconnut pas d’abord monsieur de Saint-Luc, et lui demanda avec colère comment il avait osé troubler son repos, et quelle affaire si pressante il avait à lui communiquer à cette heure indue.

— Une affaire bien importante, en effet, monsieur le gouverneur, car je suis le capitaine de Saint-Luc, et ma présence vous dit le reste.

Une grande pâleur se répandit sur tous les traits du général ; il fit apporter des rafraîchissements, traita monsieur de Lacorne avec les plus grands égards, et se fit raconter dans les plus minutieux détails, le naufrage de l’Auguste. Ce n’était plus le même homme qui avait voué pour ainsi dire à la mort, avec tant d’insouciance, tous ces braves officiers, dont les uniformes lui portaient ombrage (l).

Les prévisions de M. de Lacorne se trouvèrent parfaitement justes : le gouverneur Murray, considérablement radouci après la catastrophe de l’Auguste, traita les Canadiens avec plus de douceur, voire même avec plus d’égard ; et tous ceux qui voulurent rester dans la colonie eurent la liberté de le faire. M.