Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
285
DE LOCHEILL ET BLANCHE.

assez cruel, sans y rencontrer l’accueil froid que l’hospitalité exige envers un étranger.

Adieu, capitaine d’Haberville ; adieu, pour toujours à celui que j’appelais autrefois mon père, s’il ne me regarde plus, moi, comme son fils ; et un fils qui lui a toujours porté le culte d’affectueuse reconnaissance qu’il doit à un tendre père. Je prends le ciel à témoin, M. d’Haberville, que ma vie a été empoisonnée par les remords, depuis le jour fatal où le devoir impérieux d’un officier subalterne m’imposait des actes de vandalismes qui répugnaient à mon cœur ; qu’un poids énorme me pesait sans cesse sur la poitrine, même dans l’enivrement du triomphe militaire, dans les joies délirantes des bals et des festins, comme dans le silence des longues nuits sans sommeil.

Adieu pour toujours ; car je vois que vous avez refusé d’écouter le récit que la bonne supérieure devait vous faire de mes remords, de mes angoisses, de mon désespoir, avant et après l’œuvre de destruction, que, comme soldat, sujet à la discipline militaire, je devais accomplir. Adieu pour la dernière fois ; et puisque tout rapport doit cesser entre nous, oh ! dites ! dites-moi, je vous en conjure, que la paix est rentrée dans le sein de votre excellente famille ! qu’un rayon de joie illumine encore quelquefois ces visages où tout annonçait autrefois la paix de l’âme et la gaieté du cœur ! Oh ! dites-moi, je vous en supplie, que vous n’êtes pas constamment malheureux ! Il ne me reste maintenant qu’à prier Dieu, à deux genoux, qu’il répande ses bienfaits sur une famille que j’aime avec tant d’affection ! Offrir de réparer les pertes que j’ai causées, avec ma fortune qui est considérable, serait une insulte au noble d’Haberville !