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LES ANCIENS CANADIENS.

s’appelaient Pepper, chez les d’Haberville, toute la race canine s’appelait Niger ou Nigra, suivant le sexe, en souvenir de deux de leurs aïeux que Jules avait ainsi nommé, lors de ses premières études au collège, pour preuve de ses progrès.

Élise, sans se déconcerter, ôte son soulier à haut talon, et tombe sur Jules, qui tenait toujours Niger à bras-le-corps, s’en servant comme d’un bouclier ; et le poursuit de chambre en chambre, suivie des assistants riant aux éclats.

Heureux temps, où la gaieté folle suppléait le plus souvent à l’esprit, qui ne faisait pourtant pas défaut à la race française ! Heureux temps, où l’accueil gracieux des maîtres suppléait au luxe des meubles de ménage, aux ornements dispendieux des tables, chez les Canadiens ruinés par la conquête ! Les maisons semblaient s’élargir pour les devoirs de l’hospitalité, comme le cœur de ceux qui les habitaient ! On improvisait des dortoirs pour l’occasion : on cédait aux dames tout ce que l’on pouvait réunir de plus confortable ; et le vilain sexe, relégué n’importe où, s’accommodait de tout ce qui lui tombait sous la main.

Ces hommes, qui avaient passé la moitié de leur vie à bivouaquer dans les forêts pendant les saisons les plus rigoureuses de l’année, qui avaient fait quatre ou cinq cents lieues sur des raquettes, couchant le plus souvent dans des trous qu’ils creusaient dans la neige, comme ils firent lorsqu’ils allèrent surprendre les Anglais dans l’Acadie, ces hommes de fer se passaient bien de l’édredon pour leur couche nocturne (h).

La folle gaieté ne cessait que pendant le sommeil, et renaissait le matin. Comme tout le monde portait alors de la poudre, les plus adroits s’érigeaient en per-