Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
LES ANCIENS CANADIENS.

lune, à laquelle j’ignorais qu’on pût conter tant de raison, vous plairait-il d’écouter un peu le vacarme qui se fait au village de Saint-Thomas ?

Tous prêtèrent l’oreille : c’était bien la cloche de l’église qui sonnait à toute volée.

— C’est l’Angélus, dit Jules d’Haberville.

— Oui, reprit José, l’Angélus à huit heures du soir !

— C’est donc le feu, dit Arché.

— On ne voit pourtant point de flammes, repartit José ; dans tous les cas, dépêchons-nous ; il se passe quelque chose d’extraordinaire là-bas.

Une demi-heure après, en forçant le cheval, ils entrèrent dans le village de Saint-Thomas. Le plus grand silence y régnait ; il leur parut désert : des chiens seulement, enfermés dans quelques maisons, jappaient avec fureur. Sauf le bruit de ces roquets, on aurait pu se croire transporté dans cette ville des Mille et une nuits où tous les habitants étaient métamorphosés en marbre.

Les voyageurs se préparaient à entrer dans l’église dont la cloche continuait à sonner, lorsqu’ils aperçurent une clarté, et entendirent distinctement des clameurs du côté de la chute, près du manoir seigneurial. S’y transporter fut l’affaire de quelques minutes.

La plume d’un Cooper, d’un Chateaubriand, pourrait seule peindre dignement le spectacle qui frappa leurs regards sur la berge de la Rivière-du-Sud.

Le capitaine Marcheterre, vieux marin aux formes athlétiques, à la verte allure, malgré son âge, s’en retournait vers la brune, à son village de Saint-Thomas, lorsqu’il entendit sur la rivière un bruit semblable à celui d’un corps pesant qui tombe à l’eau ; et aussitôt après, les gémissements, les cris plaintifs d’un homme