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LA DÉBACLE.

qui appelait au secours. C’était un habitant téméraire nommé Dumais qui, croyant encore solide la glace assez mauvaise déjà qu’il avait passée la veille, s’y était aventuré de nouveau, avec cheval et voiture, à environ une douzaine d’arpents au sud-ouest du bourg. La glace s’était effondrée si subitement que cheval et voiture avaient disparu sous l’eau. Le malheureux Dumais, homme d’ailleurs d’une agilité remarquable, avait bien eu le temps de sauter du traîneau sur une glace plus forte, mais le bond prodigieux qu’il fit pour échapper à une mort inévitable, joint à la pesanteur de son corps, lui devint fatal : un de ses pieds, s’étant enfoncé dans une crevasse, il eut le malheur de se casser une jambe, qui se rompit au-dessus de la cheville, comme un tube de verre.

Marcheterre, qui connaissait l’état périlleux de la glace crevassée en maints endroits, lui cria de ne pas bouger, quand bien même il en aurait la force ; qu’il allait revenir avec du secours. Il courut aussitôt chez le bedeau, le priant de sonner l’alarme, tandis que, lui, avertirait ses plus proches voisins.

Ce ne fut bien vite que mouvement et confusion ! les hommes couraient çà et là sans aucun but arrêté ; les femmes, les enfants criaient et se lamentaient ; les chiens aboyaient, hurlaient sur tous les tons de la gamme canine ; en sorte que le capitaine, que son expérience désignait comme devant diriger les moyens de sauvetage, eut bien de la peine à se faire entendre.

Cependant, sur l’ordre de Marcheterre, les uns courent chercher des câbles, cordes, planches et madriers, tandis que d’autres dépouillent les clôtures, les bûchers, de leurs écorces de cèdre et de bouleau, pour les convertir en torches. La scène s’anime de