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LES ANCIENS CANADIENS.

plus en plus ; et à la lumière de cinquante flambeaux qui jettent au loin leur éclat vif et étincelant, la multitude se répand le long du rivage jusqu’à l’endroit indiqué par le vieux marin.

Dumais qui avait attendu avec assez de patience l’arrivée des secours, leur cria, quand il fut à portée de se faire entendre, de se hâter, car il entendait sous l’eau des bruits sourds qui semblaient venir de loin vers l’embouchure de la rivière.

— Il n’y a pas un instant à perdre, mes amis, dit le vieux capitaine, car tout annonce la débâcle.

Des hommes moins expérimentés que lui voulurent aussitôt pousser sur la glace les matériaux qu’ils avaient apportés sans les lier ensemble, mais il s’y opposa, car la rivière était pleine de crevasses, et de plus le glaçon sur lequel Dumais était assis, se trouvait isolé d’un côté par les fragments que le cheval avait brisés dans sa lutte avant de disparaître, et de l’autre par une large mare d’eau qui en interdisait l’approche. Marcheterre, qui savait la débâcle non seulement inévitable, mais même imminente d’un moment à l’autre, ne voulait pas exposer la vie de tant de personnes, sans avoir pris toutes les précautions que sa longue expérience lui dictait.

Les uns se mettent alors à encocher à coups de haches les planches et les madriers ; les autres les lient de bout en bout ; quelques-uns, le capitaine en tête, les hâlent sur la glace, tandis que d’autres les poussent du rivage. Ce pont improvisé était à peine à cinquante pieds de la rive que le vieux marin leur cria : maintenant, mes garçons, que des hommes alertes et vigoureux me suivent à dix pieds de distance les uns des autres, — que tous poussent de l’avant !