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LA DÉBACLE.

continua avec acharnement. Ce fut à ce moment de crise de vie et de mort, que Joncas, sautant de planche en planche, de madrier en madrier, vint aider le jeune homme à ramener son père sur le pont flottant.

Les spectateurs qui, du rivage, ne perdaient rien de cette scène déchirante, se hâtèrent, malgré l’eau qui envahissait déjà la berge de la rivière, de haler les câbles ; et les efforts de cent bras robustes parvinrent à sauver d’une mort imminente trois hommes au cœur noble et généreux. Ils étaient à peine, en effet, en lieu de sûreté que cette immense nappe de glace restée jusque-là stationnaire, malgré les attaques furibondes de l’ennemi puissant qui l’assaillait de toutes parts, commença, en gémissant, et avec une lenteur majestueuse, sa descente vers la chute, pour, de là, se disperser dans le grand fleuve.

Tous les regards se reportèrent aussitôt sur Dumais. Cet homme était naturellement très brave ; il avait fait ses preuves en maintes occasions contre les ennemis de sa patrie ; il avait même vu la mort de bien près, une mort affreuse et cruelle, lorsque lié à un poteau, où il devait être brûlé vif par les Iroquois, ses amis maléchites le délivrèrent. Il était toujours assis à la même place sur son siège précaire, mais calme et impassible comme la statue de la mort. Il fit bien quelques signes du côté du rivage que l’on crut être un éternel adieu à ses amis. Et puis, croisant les bras, ou les élevant alternativement vers le ciel, il parut détaché de tous liens terrestres et préparé à franchir ce passage redoutable qui sépare l’homme de l’éternité !

Une fois sur la berge de la rivière, le capitaine ne laissa paraître aucun signe de ressentiment ; repre-