Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/205

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après tout, qu’un doute que j’exprimais modestement, malgré ma conviction intérieure ; et je ne méritais pas, quand bien même je me serais trompé dans mes prévisions, de passer pour un sujet déloyal et............

Mon père n’acheva pas sa phrase, mais continua de marcher de long en large en marmottant des mots inintelligibles. Ma mère, dont je m’étais rapproché, dit tout bas : le sac des griefs n’est pas vide.

— Tu connais, sans doute, dit mon père, en s’arrêtant devant nous, cette manière agréable qu’ont messieurs les Anglais de se moquer d’une personne le plus sérieusement du monde ? Il ne faut pas faire pour cela une grande dépense d’esprit, mais le sang du mystifié n’en bout pas moins dans les veines, car une personne souffre moins quand elle est raillée avec finesse, que lorsque le railleur le fait sans esprit. Il ne s’agit pour le mauvais plaisant, d’après le système anglais, que de répéter les mêmes paroles et de surenchérir, même dans le sens de la victime. Le colonel Pye, que Satan serre dans ses griffes, qui parle notre langue aussi bien qu’un parisien, se chargea de me répondre.

— Monsieur, dit-il, a certainement raison : l’épée formidable des terribles Français fera bien vite justice des petits cosaques et de leurs petites lances. Les Français ne sont-ils pas invincibles, à preuve leur campagne d’Égypte !

— J’avais beaucoup de peine, ajouta mon père, à me contenir dans les bornes d’un homme bien élevé. Je répondis que l’ironie n’était pas un argument et