Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/232

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Le bruit courait alors qu’un malheureux membre de notre Parlement, Jean-Baptiste pur sang (nom que l’on donnait aux cultivateurs), député de je ne sais plus quel comté, avait trouvé une ingénieuse idée pour se soustraire aux défenses de l’auguste corps qui avait prohibé l’usage de la pipe dans toutes les chambres qu’occupait l’aréopage canadien. Couché à plat ventre, Jean-Baptiste envoyait les bouffées de tabac qui l’auraient sans cela étouffé, dans la petite porte du poêle qui chauffait le vestibule de la chambre des séances. O tempora ! s’il eût vécu de nos jours, il aurait eu ses franches coudées, et aurait fumé assis confortablement sur un bon fauteuil, dans un appartement élégamment meublé, que l’on appelle aujourd’hui le comité de la pipe, et dans lequel on fume le meilleur tabac : les méchants ajoutent même que c’est aux frais de la province. Ce sont des mauvaises langues.

— Tu devais faire un triste législateur, mon cher Jean-Baptiste ! Les idées lumineuses ne devaient pas menacer de te suffoquer ! Si Painchaud, Laterrière, Maguire et Philippe de Gaspé, tout enfants qu’ils étaient alors, eussent été membre du Parlement, ils auraient fumé, si tel eût été leur bon plaisir, même sous le siège de l’orateur, sans qu’il s’en fût aperçu.

Jetons le voile sur nos folies de jeunes gens dès notre entrée dans le monde : qu’il suffise d’ajouter que l’ardeur fiévreuses des jouissances, que Laterrière et moi possédions en commun, fut loin de se refroidir après avoir mis bas le capot d’écolier. Que deux traînées de poudre voisines suivent parallèlement la même route,