Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/249

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cour du séminaire. Un sauvage, de je ne sais quelle tribu, trouvant la porte de la cour ouverte, s’approcha des joueurs d’échecs, et suivit le mouvement des pièces avec un intérêt soutenu jusqu’à la fin de la partie. Il serre les lèvres quand il voit la marche de la tour ; il dit hoa ! quand il voit les razzias de la dame, et hoa ! à chaque fois que le cavalier fait un bond.

Le vainqueur prononce à la fin les terribles mots : échec et mat ! et monsieur Lionnais demande au sauvage s’il sait jouer aux échecs.

— Pas connaître, fit l’indien, et traçant des petits cercles avec l’index de la main droite dans la paume de la main gauche, il ajouta : bon ! bon ! jouer comme ça !

— Ah ! tu sais jouer aux dames, dit le directeur : allez donc, Papineau, pour la nouveauté du fait, chercher un damier, et faites ensuite gratter d’importance ce canouah.

À la vue du damier et des pièces que Papineau arrangeait, tout en invitant l’Indien à jouer avec lui, ce dernier poussa un cri de joie en disant : moi jouer avec petit patliasse !

Les sauvages donnaient souvent ce nom aux écoliers du séminaire de Québec qu’ils considéraient comme des petits prêtres.

Papineau, certain de la victoire, commence à jouer avec assez de négligence ; l’Indien souffle une dame, en prend trois et s’écrie : pas ben joué, petit patliasse ! Papineau piqué ensuite du massacre de ses pièces et encore plus des cris de triomphe de son adversaire, demande une revanche, mais il lui fallut de nouveau succomber dans la lutte, aux grands éclats de rire des