Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/280

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sa table, au lieu de l’occuper lui-même. Ce manque aux convenances ne chagrina, après tout, aucun des bons vivants : c’était la cave de l’avare qui en pâtirait, quand un autre que lui serait chargé de faire circuler le vin. Mais revenons aux mets de ce dîner, qu’un Horace ou un Boileau devrait célébrer. 1er service — À un bout de la table, une tête de veau bouillie qui grinçait des dents et tirait la langue. Au côté opposé, une épaule de veau bouillie. Au milieu quatre plats, savoir : une blanquette de l’eau, un ragoût de la fressure du même animal, une fraise de veau et des tranches de veau rôties. Enfin, pour couronner le premier service, une coupe au riz dont icelle tête avait fourni le bouillon.

— Nous allons bientôt bêler, dit Plamondon à son voisin. Comme je vis que chacun se tenait à quatre pour s’empêcher de rire, je vins à leur secours en disant très haut :

— Voici, messieurs les avocats, une langue qui n’a jamais menti.

Cette saillie fut accueillie par de grands éclats de rire ; et le maître du festin, déclara, en se pâmant d’aise, qu’il n’avait jamais rien entendu de plus spirituel appliqué surtout à messieurs les avocats.

Tous les convives mangeaient cependant d’assez bon appétit, en attendant un second service, un peu plus varié quant aux espèces de viandes dont il serait composé.

2e service. Une immense longe de veau à la tête de la table et un fricandeau du même animal au côté opposé. Nous crûmes en être quitte cette fois,