Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/281

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mais point du tout ; la servante mit encore sur la table une marinade de pieds de veau et des côtelettes de veau apprêtées au beurre et à la mie de pain.

Il était difficile de ne pas éclater, lorsque le major LaForce vint très à propos à notre secours en racontant une histoire comique qui nous permit de nous dilater la rate sans manquer à la politesse.

Nous étions tous sous l’impression que le maître de céans avait fait le matin une razzia de tous les veaux du marché, lorsqu’il nous dit avec un air de satisfaction évidente :

— Le veau, messieurs, est la viande la plus délicate de cette saison, et, connaissant l’habileté de mes avocats, je comptais fermement sur un jugement favorable dans ma cause, le vingtième jour du présent mois de juin, ce qui m’a donné l’heureuse idée d’engraisser le superbe nourrisson que ma vache m’a donné, il y a deux mois, pour vous en régaler aujourd’hui.

— C’est une attention des plus délicates, lui dis-je, et dont nous vous sommes très reconnaissants, d’autant plus que le fils doit avoir bu tout le lait de sa chère maman, et partant vous en priver ?

— À qui le dites-vous, fit l’avare : je suis réduit depuis deux mois à prendre du thé à la chinoise !

Et puis un rayon de joie triomphante anima son visage, lorsqu’il s’écria : Messieurs, voici le plumpudding !

Ce formidable plumpudding formait un cône d’environ dix-huit pouces de hauteur : ce qui nous fit croire, et ce fut Ross qui en eut l’idée, que la cuisinière, manquant de sac, avait tronqué une des extré-