Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/361

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

N’avaient-ils pas, du moins, la ressource des voitures d’eau pendant l’été ? Oh, oui ! si le vent contraire n’était pas trop violent, ils pouvaient même descendre de Montréal à Québec dans l’espace de trois à quatre jours, mais la grande difficulté était de remonter le fleuve et non pas de le descendre. Le voyage dans une goëlette, si le vent était contraire, était de quinze jours en moyenne, et très souvent d’un mois et plus.

Ceci me rappelle un premier voyage de Québec à Montréal dans un vapeur. C’était en octobre de l’année 1818, à onze heures du soir, que le Calédonia dans lequel j’avais pris passage, laissa le quai de la reine. Entre sept et huit heures le lendemain au matin, mon compagnon de voyage feu monsieur Robert Christie, ouvrit la fenêtre de sa chambre et me cria : We are going famously : (Nous allons rapidement). En effet, nous étions vis-à-vis la Pointe-aux-Trembles, poussés par un vent de foudre, et nous avions parcouru sept lieues en neuf heures de temps. Nous arrivâmes au pied du courant à Montréal à l’expiration du troisième jour, tout en nous félicitant de la rapidité des voyages par la vapeur, et nous ne fûmes aucunement humiliés, en l’absence du vent favorable qui n’avait duré que vingt-quatre heures, d’avoir recours à la force réunie de quarante-deux bœufs pour nous aider à remonter le pied du dit courant. J’avoue que c’est à bon droit que le Calédonia doit avoir été placé au premier rang des cuves ayant nom bateau à vapeur construit à cette époque. Ce qui n’empêche pas que ce ne fut qu’à regret que nous lui fîmes nos adieux après les jouissances qu’il nous avait procurées.