Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/367

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que j’appellerai le « refuge des chasseurs, »[1] car c’est là qu’ils ont construit de temps immémorial des cabanes sur une dune à l’extrémité est de cette langue de sable que j’ai vue souvent même submergée pendant les grandes marées du mois d’août, à l’exception de trois dunes seulement et de la butte Chatigny. Il est même de tradition que, ces derniers refuges ayant été envahis par une crue extraordinaire des eaux du fleuve qui inondèrent leurs cabanes, des chasseurs passèrent une partie de la nuit dans un canot, seul asile qui leur sauva la vie.

La grève sablonneuse sur laquelle les cabanes sont assises, est séparée de la butte Chatigny par un chenal courant nord-est et sud-ouest toute la longueur de la batture, et qui n’est guéable qu’à basse marée. La chasse au gros gibier se fait au nord du chenal et aussi sur un terrain vaseux que l’on appelle « butte de chasse ».

J’ai déjà dit que la butte Chatigny est couverte en partie de sapins, d’épinettes et de quelques pommiers et cerisiers plantés par les chasseurs des anciens jours. Un ménage de corneilles vient de temps immémorial y élever chaque année une nouvelle famille. Mais j’ignore pourquoi ce bosquet toujours vert, sur lequel croissent les seuls arbres qui devraient réjouir les regards de ceux qui fréquentent ces lieux, offre un aspect qui porte plutôt à la mélancolie qu’au soulagement de l’âme attristée à la vue des battures vaseuses

  1. L’auteur ose espérer que les chasseurs de Saint-Jean Port-Joli et de l’Islet, voudront bien, en mémoire du seul survivant de ceux qui chassaient sur cette batture il y a 50 ans, sanctionner le nom qu’il donne à cette partie de l’Îles aux Loups Marins ; à moins qu’ils préfèrent l’appeler « Le repos de Gaspé. »