Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/368

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du nord du chenal et des sables arides du sud qui couvrent cette île.

La butte Chatigny, couverte d’arbres, est-elle une place maudite, que les chasseurs n’y ont jamais érigé une cabane à l’abri des ardeurs du soleil pendant l’été et des tempêtes de l’automne et du printemps ? Il semble pourtant que cet îlot aurait dû avoir la préférence sur la grève aride qu’ils ont choisie de prédilection. Le gibier toujours méfiant n’aurait pas même soupçonné la présence des chasseurs dans le bosquet qui le couronne ? La voix de ces oiseaux de mauvais augure qui traversent régulièrement le fleuve chaque année pour y élire leur domicile aurait-elle attristé les joyeux chasseurs de retour à la cabane ?

J’ai souvent posé cette question à mes compagnons de chasse pendant près de quinze ans que j’ai visité cette batture. Je leur ai aussi fréquemment demandé pourquoi cet îlot avait nom butte Chatigny, et je n’en recevais que des réponses évasives. On se contentait de me répondre qu’un nommé Chatigny ayant chassé de prédilection autrefois sur cette butte lui avait donné son nom, et mes interlocuteurs changeaient brusquement de propos.

C’était dans le mois d’octobre de l’année mil huit cent trente sept, que Messieurs Louis Fournier, Pierre Fournier, François Leclerc et moi, étant dispersés vers le soir, sur la butte des chasseurs, l’un d’eux me cria qu’il était temps de déguerpir, car nous serions sans cela bien vite bouclés par la marée montante. Je répondis que j’allais les suivre ; mais je n’en tins aucun compte : le vent commençait à s’élever et j’espérais que