Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/421

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pour un curé d’esprit, j’aurais cru que vous connaissiez mieux le cœur humain.

Vous voyez, messieurs, ajouta le père Romain, que le diable parlait poliment et qu’il donnait de bonnes raisons. Ah ! dam ! je ne lui aurais pas conseillé de se regimber contre un prêtre : il aurait trouvé à qui parler. Il vous l’aurait débarbouillé avec son étole qu’il en aurait hurlé comme un chien sauvage. Il paraît que le curé goûta ses bonnes raisons, car il coupa l’air en forme de croix ; la terre trembla et le méchant esprit disparut.

Quand le curé vit que le diable s’en était retiré les mains nettes, il prit dans sa bibliothèque le plus gros livre latin qu’il put trouver et se mit à lire ; et il lut si longtemps qu’il s’endormit la tête sur le livre. Il eut un songe pendant son sommeil : je ne puis dire quel était ce songe, mais il paraît qu’il avait trouvé son affaire. Il dit la messe à l’intention de la pauvre Josephine et se transporta ensuite chez elle, où il la trouva tant soit mieux.

— Ma chère fille, lui dit le bon curé, vous avez commis une grande faute, mais vous avez pêché par ignorance, je ne vous en fais pas de reproche. Le fantôme que vous avez vu est une pauvre âme du purgatoire qui accomplissait une grande pénitence que vous avez interrompue et qu’il ne peut achever maintenant sans son bonnet carré ; il faut donc vous résoudre à le lui remettre cette nuit sur la tête.

— Je n’en aurai jamais le courage, dit la malheureuse fille en pleurant, je tomberais morte à ses pieds.