Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/422

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— Il le faut pourtant, dit le prêtre, car sans cela vous n’aurez jamais de repos ni dans ce monde, ni dans l’autre : le spectre s’attachera sans cesse à vos pas. Vous n’avez, d’ailleurs, rien à craindre : vous serez en état de grâce, je serai là avec votre père et votre mère, (auquel nous allons tout raconter,) pour vous soutenir et vous protéger au besoin.

La pauvre Josephine après bien des façons y consentit. Grande fut la douleur des bonnes gens,[1] quand ils surent la vérité, mais ils firent leur possible pour consoler leur malheureuse enfant. Ils passèrent tous la soirée au presbytère et prièrent avec ferveur jusqu’au coup de minuit qu’ils se rendirent à la porte de l’église, où ils trouvèrent le spectre sur les marches, et dans la même attitude. LaFine tremblait comme une feuille malgré l’étole que le curé lui avait passée dans le cou et les exhortations qu’il lui faisait. Elle fait, cependant, un effort désespéré et elle monte les marches ; mais au moment qu’elle allait poser le bonnet sur la tête du fantôme, il fit un mouvement comme s’il voulait l’enlacer de ses bras et elle tomba évanouie dans ceux de son père. Le prêtre profitant de l’occasion voulut se saisir du bonnet pour le restituer à son propriétaire, mais elle le tenait si serré dans sa main qu’il aurait fallu lui couper les doigts.

LaFine fut bien vite réduite à un état qui faisait compassion : elle croyait entendre souvent la voix du spectre ; elle tremblait au moindre bruit et ne pouvait rester seule pendant un instant. Dans cette vie de

  1. Bonnes gens signifie père et mère dans le langage naïf des habitants.