Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/424

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dents lui claquaient dans la bouche. Elle parut se ranimer en voyant Hippolite, elle allongea les bras de son côté et lui dit d’une voix faible et tremblante :

Mon cher Polithe, il ne faut plus penser aux amitiés de ce bas monde, quand on se meurt, on ne doit penser qu’au ciel. C’est une grande consolation pour moi de te voir avant de mourir : tu pleureras sur mon cercueil avec mes bons parents et tu feras ensuite ton possible pour les consoler : promets-le à celle que tu as si longtemps aimée. Je n’ai qu’un regret en mourant, c’est de m’être si mal comportée envers toi et de ne pouvoir réparer mes torts en te rendant heureux.

Les larmes aveuglèrent le pauvre Lamonde et il lui dit : Chasse, chasse, ma chère Fifine, ces vilaines doutences (pressentiments) : Hippolite est devant toi et tu vivras.

— Comment espérer de vivre, répondit-elle, quand je suis dans des craintes continuelles ! Quand je tremble au moindre bruit que j’entends ! Quand la lumière du jour m’épouvante autant que la noirceur de la nuit ! Quand j’entends sans cesse à mon oreille le souffle d’une âme en peine qui me reproche ma cruauté ! Je n’ose demander la mort pour mettre fin à mes souffrances, car le spectre est toujours là qui me dit : Tu n’auras de repos ni dans ce monde ni dans l’autre. Oh ! c’est pitoyable ! pitoyable ! et la malheureuse fille se tordait les mains de désespoir.

— Joséphine ! ma chère Fifine ! prends courage pour l’amour de tes parents ; pour l’amour de moi aussi, prends courage ! J’irai, moi-même, restituer ce