Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/425

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soir au revenant le vol que tu lui as fait et tu en seras délivrée.

— Tu n’iras pas ! s’écria la pauvre Josephine ; laisse-moi mourir seule : je suis déjà assez malheureuse sans avoir à me reprocher ta mort !

— Qu’ai-je à craindre, répliqua Lamonde, je n’ai jamais fait aucun tort à une personne morte ou vivante ; pourquoi ce fantôme me voudrait-il du mal ? Crois-tu que si tu eusses tombé dans un précipice, j’aurais hésité un instant à voler à ton secours, certain même d’y périr avec toi ! car, vois-tu, Fifine, je me ferais hacher cent fois par morceau pour t’épargner une égratignure. Ce qui me reste à faire n’est qu’un jeu d’enfant, et je serai aussi calme que je le suis maintenant.

Josephine eut beau le prier, le conjurer de ne point s’exposer pour elle, si indigne de tant d’amitié, il n’en fut que plus déterminé dans la résolution qu’il avait prise.

À onze heures du soir, il demanda la clef du coffre dans lequel le bonnet carré était enfermé ; et il l’avait à peine ouvert que le bonnet carré lui tomba dans la main.

La nuit était bien sombre lorsqu’il arriva près de l’église : la lampe qui brûle dans le sanctuaire jetait seule une petite lueur, au loin de l’édifice. Il se promena de long en large en priant jusqu’à ce que le spectre parut. À minuit sonnant, il se trouva en sa présence, il monta d’un pied ferme les marches du perron où le spectre se tenait dans son attitude ordinaire, et il lui remit sans trembler son bonnet carré sur la tête.