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CHAPITRE IV.


On a suffisamment dit et redit que la France n’était pas apte à offrir la matière d’une république, et parce que sa population et son territoire sont trop développés et parce que ses traditions et ses mœurs sont toutes monarchiques. Voilà, assurément, des raisons fortes et décisives. Mais il existe d’autres dont on parle moins et qui sont plus décisives encore, par exemple celle-ci : c’est qu’on n’a jamais pu ni en 93, ni en 48, ni en 71, et qu’on ne pourrait pas davantage aujourd’hui dans aucune des nuances dont se compose l’opinion républicaine, découvrir un seul homme qui, sous ce nom de république, ne voulût tout autre chose que ce qui est la République elle-même. En vérité, l’idée exacte de république ne s’est jamais produite dans une tête française ; elle n’y apparaît qu’en qualité d’auxiliaire, comme moyen d’obtenir un désideratum particulier, ou d’éviter un fantôme quelconque. Ce n’est pas avec des dispositions aussi pauvres que l’on parviendrait jamais à créer une forme de gouvernement définie et viable.

Pour le plus grand nombre des individus voués au culte du mot république, la chimère qu’ils poursuivent, c’est l’égalité, et, par ce mot d’égalité, ils entendent, les uns, que tout le monde sera à son tour tout ce qu’il y a de plus grand et de plus petit ; les maîtres de l’art présentent volontiers cette marotte aux masses populaires et, plus volontiers encore, la leur laissent ; les autres, plus avancés d’un degré vers le crépuscule intellectuel et doués, avec plus d’appétit, de la ferme résolution de ne jamais lâcher ce qu’ils cherchent à prendre, considèrent comme une égalité très sortable, celle qui