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Page:De La Harpe - La Logique de l’assertion pure, PUF, 1950.djvu/32

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10 LA LOGIQUE DE L’ASSERTION PURE

de l’intelligence symbolique, elle en constitue un produit qui varie avec les milieux sociaux et se cristallise dans des systèmes psycho-matériels qui « symbolisent avec » les objets physiques, avec les choses, suivant la belle expression leibnitienne.

Toutes les langues ont des traits et une structure commune et obéissent à des lois générales d’évolution. Comme Cournot l’a montré, la langue tend à se logiciser et à devenir, à partir de ses origines instinctives, un instrument au service de la pensée abstraite.

Il est donc incontestable que la langue, imposée à l’enfant dès son plus jeune âge par le milieu social, confère à la pensée de l’adulte une structure et des formes déterminées.

Toute éducation sensée consiste à adapter la fonction même du langage aux structures que la langue impose à la masse parlante ; il y a donc, dès que le plan mental est constitué, un problème d’adéquation entre l’expérience significatrice qui relève de la pensée et la traduction expressive qui relève du rapport de l’expression linguistique à l’expérience significatrice.

Enfin se constitue, grâce à « la prise de conscience », le plan normatif ; la pensée se réfléchit par le langage et fait retour sur elle-même grâce à l’expression matérialisée. Elle prend conscience des premières règles qui lui sont imposées par le milieu linguistique et tend à en faire des règles de conduite verbale, à l’image des règles de conduite pratique (issues de la stabilité relative du milieu vital et des habitudes qu’il suscite, renforcées par la vie en société et par les uniformités sociales). Mais le principe de la règle une fois conçu, il pourra s’appliquer à de nouveaux objets, se ramifier