Aller au contenu

Page:De La Nature.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rebelle jusques dans ses derniers retranchemens, elle ajoute à sa défaite, la honte d’un combat inutile.

Nous manquons d’idées, nous jugeons pourtant. Quelquefois c’est une nécessité, faute de tems pour éclaircir nos doutes. Souvent la paresse de l’esprit lui fait craindre la réflexion : il s’en tient à des conjectures ; il se repose dans des vraisemblances ; il défere à une autorité étrangere la soumission due à la connoissance intuïtive : il néglige la répugnance intérieure qu’il sent pour cette injustice faite à la vérité ; il la sacrifie à une crédulité commode qui l’exempte de tout examen. La méditation est fatiguante, & l’on se croit savant à peu de frais, quand on l’est du savoir d’autrui. Le peuple donc, & bien des gens qui, bien que leur état & leur fortune les élevent au dessus du peuple, rentrent dans la classe inférieure par le peu de soin qu’ils ont de cultiver leur entendement, aimeront toujours mieux suivre la mode, croire aux vieilles pandectes, prendre l’esprit de leur état & les préjugés du corps dont ils sont membres : ils vivent dans cette prévention, où ils ont toute la sécurité que l’évidence procure ; ils font leur chemin & stylent leurs enfans au même train. Ce sont d’honnêtes-gens ; mais ils mentent toute leur vie.

Aux uns l’instruction a manqué : les autres